Les semeurs de peste

The Sowers of Plague

Film

Scénario

Texte pour une lecture filmée
d’après le « PROCÈS CRIMINEL CONTRE DON GIOVANNI GAETANO DE PADIGLIA ET D’AUTRES ACCUSÉS DE L’ASPERSION D’UN ONGUENT PESTIFÈRE À MILAN, ANNÉE 1630 »

1630. SAMEDI 22 DU MOIS DE JUIN

Ortensia Castigliona, femme d’Alessandro Tradati :
Hier matin, vers les deux heures du jour, on a trouvé les murs du vestibule de notre porte souillés d’une certaine chose jaune en grande quantité, si bien qu’on y a mis le feu avec de la paille, mais Nicolò mon fils a dit que ça ne suffisait pas et qu’il fallait encore décrépir le mur; et pendant ce temps, beaucoup de femmes se sont rassemblé ici, et quelqu’un a dit qu’on avait vu le gendre de la commère Paola, le Commissaire, en train de souiller les murs; moi je sais pas qui c’est ce Commissaire ni pourquoi il enduit les murs, ce que je sais, c’est que parmi celles qui l’accusent il y a la Rosa qui habite cette arcade au-dessus de la rue et elle dit que ça s’est passé vers les huit heures.

Caterina Rosa d’environ vingt ans :
Hier matin, un peu après huit heures sonnées, j’étais dans ma chambre, une des pièces de l’arcade qui traverse la rue et depuis le Carobio, j’ai vu venir quelqu’un qui était recouvert d’une cape noire, avec un chapeau enfoncé sur les yeux. Il tenait dans la main un papier plié en long sur lequel il mettait l’autre main comme s’il voulait écrire et j’ai vu qu’il s’approchait du mur des maisons, aussitôt après avoir tourné au coin et j’ai vu que par endroits, il traînait ses mains derrière lui contre le mur; alors il m’est venu à l’esprit que c’était un de ceux qui ces jours derniers enduisaient les murs et j’ai vu qu’il continuait à toucher le mur toujours du même côté, jusqu’à la maison de S. Simone où habitent les Tradati.
Aussitôt après, l’affaire s’est répandue et en sortant on a vu les murs souillés d’un onguent qui avait l’air gras et jaunâtre et ceux de chez Tradate, en particulier, ont dit qu’ils avaient trouvé les murs souillés à l’entrée de leur porte.

Ottavia de Persici, de 50 ans environ :
Hier matin, je me suis levée à huit heures et j’ai été à la fenêtre de ma chambre qui donne sur la rue et j’ai vu quelqu’un, habillé de noir, qui venait du Carobio. Après avoir passé l’arcade qui est sur la rue, je l’ai vu s’arrêter au bout du mur du jardin des Crivelli et j’ai vu qu’il avait une feuille de papier dans la main sur laquelle il a posé la main droite comme s’il voulait écrire, et puis j’ai vu qu’il soulevait la main du papier et qu’il la frottait sur le mur du jardin, à un endroit où il y avait un peu de blanc ; et après, j’ai vu qu’il repartait vers la rue de la Porte Ticinese. Moi je sais pas qui c’est cet homme, je pourrais pas le reconnaître parce que j’ai pas vu son visage, mais c’est un homme plutôt grand, avec un chapeau à bords larges qui lui tombait sur les yeux et il était vêtu d’une ongarina, d’une cape et de bas noirs.
Après, on a trouvé les murs souillés, en particulier à la porte des Tradati et puis, j’ai vu qu’avec de la paille enflammée ils brûlaient les murs, là où on voyait des traces d’onctions.

Girolamo de bonis :
Hier matin, vers les dix heures, je me suis levé du lit et par la fenêtre, j’ai vu plein de femmes dans la rue. Elles disaient que les murs avaient été souillés, alors je suis descendu et j’ai vu qu’il y avait une matière jaune qui avait l’air d’avoir été passée avec un doigt à deux endroits, sur le mur à côté de notre porte; et j’ai vu qu’avec de la paille enflammée, les gens brûlaient les murs là où apparemment, il y avait ces souillures et ma mère a dit qu’elle avait vu quelqu’un habillé en noir qui souillait les murs et qu’il fallait les décrépir, mais cet homme en noir qui c’était, ça je l’ai pas entendu dire.

Pietro Martire Pulicello, négociant de bois, âgé de 46 ans environ :
Hier matin, je me suis levé à sept heures et demie et j’ai été à la première messe de S. Celso et après à la Place du Château en passant par la Vedra de Cittadini.
Quand je suis passé dans la Vedra, il était à peu près huit heures et demie et là, dans la Vedra, j’ai rencontré quelqu’un qui était habillé en noir, je sais pas si c’est un Commissaire ou un Paradore mais je l’ai salué et il m’a rendu le bonjour. Il est plutôt maigre, grand, avec une barbe rousse, il était habillé d’une ongarina, d’une cape de laine noire et d’un chapeau noir à la française, comme ceux qu’on porte à présent, mais je connais pas son nom, ce que je sais c’est qu’il habite au Torchio dell’Oglio près du Carobio. Après, une femme qui était à la fenêtre m’a demandé qui c’était cet individu et je lui ai répondu que je le connaissais de vue, qu’il était Commissaire ou Paradore et elle m’a dit qu’elle l’avait vu, arrêté là et qu’il lui avait donné des soupçons; et après je suis retourné à mes affaires et je suis rentré chez moi vers les dix-huit heures et une fois à la maison, j’ai entendu dehors dans la rue, des femmes qui faisaient du vacarme et qui disaient que les portes avaient été souillées et qu’on avait découvert que celui qui avait fait ça, c’était un Commissaire et elles parlaient d’un Guglielmo; et au bout d’à peu près une heure, une charrette est passée pour aller ramasser les morts et j’ai entendu que les femmes disaient que celui qui l’accompagnait, c’était ce Guglielmo, si bien que je suis allé à la fenêtre et j’ai vu que c’était le même que j’avais rencontré et salué le matin.

Guglielmo Piazza , commissaire de la santé :
Je m’appelle Guglielmo Piazza, fils de Domenico, j’habite à la Porte Ticinese, dans la paroisse de S. pietro in Caminadella, c’est à dire au Torchio dell’Oglio et j’habite avec mon père.
…/…

Le 26 mai, j’ai commencé à travailler comme Commissaire de la santé pour faire séquestrer les malades, les faire emmener et faire enlever les morts de la peste avec des charrettes; j’ai sous mes ordres des monati et d’autres personnes et ce travail, je le fais à la Porte Ticinese avec deux autres Commissaires.
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Hier matin, je me suis levé du lit, il était plus de neuf heures, après je suis allé chercher la liste des malades de la Porte Ticinese, c’est à dire que je suis allé au Carobio, à S. Lorenzo puis à S. Michele la Chiusa, après je suis passé derrière le fossé entre le Moulin des armes et le pont de la Porte Ticinese puis à la citadelle puis à Viarenna et après, je suis revenu au Carobio où j’ai commandé à l’Appariteur d’aller chercher les charrettes et après, je suis allé au Lazaret.
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Hier, je suis passé une seule fois à la Vedra de Cittadini, il était plus de 10 heures et j’étais avec les Députés de la paroisse.
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Oui Monsieur, c’est vrai que cette Vedra est traversée par une arcade où habitent des gens, et cette arcade a des fenêtres mais je me souviens pas avoir vu quelqu’un à ces fenêtres hier matin et quand je suis passé, il était tard.
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Oui Monsieur, je sais où se trouve le Pasquaro de S. Lorenzo mais je sais pas s’il y a un marchand de bois qui y habite, à moins que ce soit le marchand de bois qu’on appelle l’espagnol, je connais pas son nom mais il est petit.
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Moi, je sais pas, parce que je m’arrête pas à la Porte Ticinese.
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Je suis toujours loin de la Porte Ticinese pour faire emmener les morts et les malades.
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Je ne dis pas que je fréquente pas cet endroit, je dis que j’ai pas été au courant.
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Je dis que je fréquente la Porte Ticinese, mais que je sais rien et que j’ai rien entendu dire de ces onctions.
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Les Députés avec qui j’étais hier à la Vedra de Cittadini, je les connais seulement de vue mais pas de nom.
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Je sais bien où ils habitent et je connais Monsieur Giulio Lampugnano qui habite dans la rue de S. Simone.
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Si vous voulez aussi me la mettre au cou, faites-le parce que je ne sais rien de ces choses que vous m’avez demandées.
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Ah pour l’amour de Dieu, Votre Excellence, laissez-moi, je dirai ce que je sais.

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Je sais rien, que Votre Excellence me fasse donner un peu d’eau.

LE 25 DU MÊME MOIS

Guglielmo Piazza :
Oui Monsieur, vendredi matin, le 21 de ce mois, les Anciens qui sont à mon service, m’ont apporté les déclarations des vivants et des morts et de cette façon, j’ai fait emporter quinze morts et deux charrettes de vivants.
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A neuf heures, je suis parti rendre visite aux malades séquestrés et j’ai fait beaucoup de visites, mais je sais pas le nombre exact, ni le nom des personnes.
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Ce vendredi, je portais le manteau de crin, une ongarina de laine noire et, pour le reste, c’était ce que je porte maintenant.
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Non monsieur, j’ai porté celui en crin jusqu’au soir.
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Je dis que je l’ai pas porté, celui en laine!
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Oui monsieur, mon travail veut que je garde toujours avec moi un registre ou autre chose pour écrire.
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Je peux pas le dire à Votre Excellence, je m’en souviens pas.
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J’ai pas l’occasion de faire des visites dans la Vedra de Cittadini parce qu’il y a rien d’autre qu’une maison fermée par les Députés de la paroisse que j’ai pas prise en note.
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C’est parce que je ne le savais même pas et ces Messieurs Députés m’ont amené là pour faire enlever des malades, dont trois pour le lazaret.
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Qu’est-ce que je peux dire à part que vous avez qu’à me pendre tout de suite.
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Je ne sais rien; coupez-moi la main, tuez-moi. Oh, mon Dieu, oh, mon Dieu !

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Ah, Seigneur, on m’assassine ! Ah, mon Dieu je suis mort !

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Que voulez-vous que je dise ?

LE 26 DU MÊME MOIS

Guglielmo Piazza :
C’est lui qui m’a donné l’onguent, le Barbier.
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Je crois qu’il s’appelle Gio. Giacomo, mais je sais pas son nom de famille. Il habite au bout de la Vedra de Cittadini où il y en a pas d’autres.
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Il m’en a donné autant que peut en contenir cet encrier. Il est jaune et dur comme de l’huile gelée.
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Oui monsieur, ce Barbier est un ami de bonjour et bonne année.
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Je passais par-là, il m’a appelé et il m’a dit : J’ai là je ne sais quoi à vous donner et, comme je lui ai demandé ce que c’était, il m’a dit que c’était je ne sais quel onguent alors j’ai dit oui oui, je viendrai le chercher et comme ça, après deux ou trois jours, il me l’a donné en passant.
Et quand le Barbier a dit qu’il avait cet onguent à me donner, c’était six ou huit jours avant mon arrestation et c’était après l’Ave Maria du soir, il pouvait y avoir une demi-heure ou une heure qu’il faisait nuit et c’était deux jours avant que j’enduise les murs de la Vedra de Cittadini.
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Il m’a dit, prenez ce petit pot et enduisez les murs ici derrière, et après, revenez ici pour avoir une poignée d’argent; et je lui ai demandé qui me donnerait cet argent et il a répondu, c’est moi qui le donnerai. Alors j’ai pris le pot d’onguent et j’ai fait ce qu’il demandait, le vendredi suivant dans la matinée.
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Il m’a rien dit, mais je me doute bien que cet onguent était empoisonné et qu’il pouvait nuire aux hommes parce que le matin d’après, il m’a donné une eau à boire en me disant qu’elle me protégerait du poison de cet onguent et je l’ai bue, il y en avait peut-être une once et demie ou deux, elle était ni claire ni trouble, elle avait l’air distillée et il me l’a donnée à la porte de sa boutique qui donne sur le Carobio, à peu près vers huit heures du matin et je l’ai bue sur place tout de suite.
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Quand le Barbier m’a donné cette eau, il m’a dit de la boire parce qu’elle avait des vertus qui me protégeraient du poison de l’onguent et de la peste.
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Le petit pot où était cet onguent, je l’ai jeté dans la Vedra de Cittadini, sous l’arcade qui traverse la rue, contre le mur, du côté de l’auberge et il s’est cassé en mille morceaux.
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En voyant son effet, je crois que le Barbier fabriquait ses onguents et ses eaux avec de mauvaises intentions, mais est-ce qu’il les fabrique de son propre gré ou en obéissant à d’autres, ça je sais pas et je sais pas non plus si d’autres en fabriquent, ou si d’autres en ont reçu du barbier et si je le savais, je l’aurais déjà dit.
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J’ai commencé à enduire juste après la porte de la boutique du Barbier et après j’ai continué à enduire jusqu’à la porte de l’auberge, à côté de l’endroit où Saracco garde les chevaux des attelages et après, je suis revenu en arrière sous cette arcade en enduisant et j’ai jeté le pot comme je l’ai dit.
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J’ai rencontré un marchand de bois qui m’a salué mais ça, j’arrivais pas à le dire avant.
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Je sais pas et je sais pas à quoi l’attribuer sinon à cette eau qu’il m’a donnée à boire, parce que Votre Excellence voit bien que j’ai rien pu dire malgré tous les tourments qu’on m’a donnés.
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Non Monsieur, je n’ai jamais reçu de ce Barbier l’argent qu’il m’avait promis et je l’ai pas demandé non plus, parce que j’ai pas eu le temps, parce que tout ça s’est passé le vendredi et le samedi j’ai été pris.
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Je l’ai pas dite parce que je pouvais pas et si j’étais resté cent ans à la corde, j’aurais rien pu dire, parce que je pouvais pas parler et quand on me demandait quelque chose à ce sujet, ça m’échappait et je pouvais pas répondre.

Gio. Giacomo Mora , Barbier:
Je m’appelle Giovanni Giocomo Mora et mon père s’appelait Cesare et je suis né dans la maison où j’ai été arrêté.
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Je connais trois Commissaires à la Porte Ticinese, deux de vue et l’autre, dont on dit qu’il est en prison depuis samedi; son nom je m’en souviens pas mais c’est le fils d’un courrier et je le connais parce qu’il passe tout le temps devant ma boutique et le matin où il a été pris, je devais lui donner un petit pot en verre, plein d’un onguent qu’on se met sur les poignets pour se protéger de la peste, mais il a été mis en prison et le petit pot est encore dans ma boutique,
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On s’est rencontré sur la Carobio et il m’a dit, je sais que vous avez fait une huile, j’en veux un pot; et ça se passait trois jours avant son arrestation.
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Tout le monde dit que le Commissaire a été mis en prison pour avoir enduit les murs et les maisons autour de ma boutique; et le matin où les murs de la Vedra de Cittadini ont été enduits, j’ai trouvé ma boutique souillée à quatre endroits, sur le mur et sur les portes, avec une chose plutôt jaunâtre et je m’apprêtais à décrépir le mur, mais après j’ai voulu le laisser jusqu’à ce que la justice le voit.
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Non Monsieur, jamais jamais, si ce n’est qu’il y a un an, il est venu chez moi pour emprunter une canne à lavement.
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Dans ma boutique, pour ce qui touche à la médecine, j’ai rien fait d’autre que cet onguent pour préserver de la peste.

Paolo Gerolamo Mora, fils du Barbier Mora:
Je m’appelle Paolo Gerolamo Mora.
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Oui Monsieur, c’est vrai qu’aujourd’hui la justice a fait une perquisition chez moi, et c’est vrai que dans notre cours il y a un fourneau comme ceux où les teinturiers lavent le linge, et il y a peut-être un mois qu’il n’a pas servi parce qu’il est percé.
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Gugliemo Piazza, je le connais comme ça de vue, on dit qu’il a enduit les portes et les murs de la Vedra de Cittadini et le même matin, notre boutique a été souillée avec une matière jaunâtre, je l’ai vu et j’ai entendu qu’une des femmes qui habitent sur l’arcade au-dessus de la Vedra dont je connais pas le nom, disait que ce Commissaire passait l’onguent avec une plume, en tenant un petit pot à la main, mais moi je l’ai pas crue parce que ce Commissaire marchait au milieu de la rue et quand il parlait à quelqu’un, il lui parlait de loin.

Chiara Brivio, femme du Barbier Mora :
Je le connais pas, Guglielmo Piazza.
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Il y a peut-être dix ou douze jours que j’ai pas fait la lessive et quand je la fais, j’utilise de la cendre, du savon, cette chaudière qui est là dans la cour et un grand seau.
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Oui Monsieur, j’ai l’habitude de mettre de côté du savon et de l’eau de lessive pour faire des préparations, s’il y a besoin et justement, j’en ai gardé un peu dans un récipient qui se trouve à la cave et un peu dans la chaudière; et cette lessive reste là à se décanter, le savon se dépose en bas en faisant un fond épais et ce fond reste blanc et l’eau de lessive qui reste, elle sert pour faire des préparations pour les mains.

Giovanni Andrea Ciprando, de 35 ans environ :
J’ai appris que Guglielmo Piazza est un voyou, qu’il est de mauvaise vie et qu’il a passé un onguent dans la ville et je l’ai entendu dire par beaucoup de gens.

Francesco Girolamo Giusto, de 66 ans environ :
J’ai entendu dire par beaucoup de gens que Piazza est en prison pour avoir enduit les murs de la ville en particulier autour de la Porte Ticinese et aussi autour de chez moi et habituellement, il n’est pas très bien considéré. 

LE 27 DU MÊME MOIS

Margarita De Arpizarellis, lavandière, âgée de 40 ans :
Cette eau de lessive est pas pure, il y a de la forfanterie là-dedans, parce que l’eau de lessive pure a pas autant de fond, il est pas de cette couleur, il est blanc blanc et il est pas poisseux. Celui qui est là à l’air d’une chose grasse alors qu’avec une vraie eau de lessive, si on remue le récipient, tout le fond se met à bouger ; maintenant qu’est-ce que c’est que cette matière, alors là, moi je sais pas.
…/…
Vous savez Votre Excellence, qu’avec de l’eau de lessive frelatée on fait les poisons les meilleurs qu’on puisse imaginer.

Giacomina de Andrioni, lavandière, de 50 ans environ :
Plus on mélange cette eau de lessive et plus elle devient noire et infecte et avec de l’eau de lessive corrompue, on fait des sacrées cochonneries et des poisons.

Archileo Carcano, médecin, de 31 ans environ :
Sur ordre de Son Excellence Auditeur, j’ai observé et considéré de très près ce qu’il y a dans cette chaudière dans la cour du Barbier Gio. Giacomo Mora. En soulevant avec un morceau de bois cette matière qui est au fond, j’ai vu qu’elle était d’une couleur corrompue et visqueuse comme de la colle mais je ne saurais pas dire précisément ce que c’est, si ce n’est que c’est visqueux, onctueux et puant; pour le reste, je n’ai jamais observé ce que devenait l’eau de lessive, ce que je peux dire c’est que l’onctuosité de cette eau peut venir du linge nauséabond qu’on y a lavé, comme des torchons, des nappes ou autre chose mais, pour avoir observé le résidu qui se trouve au fond de cette eau et si l’on considère sa quantité par rapport au peu d’eau, je peux dire pour conclure que, selon moi, il ne s’agit en aucun cas d’une eau de lessive.

Victor de Basilicapetri, médecin, âgé de 50 ans :
J’ai examiné la substance qui se trouve dans cette chaudière, dans la cours de chez Mora et, quant à moi, je ne la tiens pas pour de l’eau de lessive mais plutôt, pour un liquide composé et bouilli et ce dépôt qui est au fond, je le tiens également pour un mélange à cause de son onctuosité et de son aspect visqueux, parce que l’eau de lessive ne se dépose pas de cette manière et on voit que si on soulève cette substance qui est dans la chaudière, elle fait des fils comme de la colle. A quoi ça peut servir, je ne peux pas en juger, mais ça doit servir à composer quelque autre préparation.

Guglielmo Piazza :
Oui Monsieur, ce que j’ai déposé hier devant Monsieur l’Auditeur est vrai et quand le Barbier m’a donné le petit pot avec l’onguent, il est sorti par derrière pour me le donner.
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Je n’ai rien d’autre à dire, et j’ai jamais traité d’autres affaires avec ce Barbier comme je l’ai dit, et lui il m’a promis une bonne poignée d’argent, mais j’ai encore rien vu.
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Je vais le dire Votre Excellence. Deux jours avant qu’il me donne l’onguent, ce Barbier était dans la rue de la Porte Ticinese avec trois autres et en me voyant passer il m’a dit : Commissaire, j’ai un onguent à vous donner. Je lui ai dit : Vous voulez me le donner tout de suite, lui m’a dit que non et quand après il me l’a donné, il m’a dit que c’était un onguent pour enduire les murs et faire mourir les gens, mais je lui ai pas demandé s’il l’avait essayé.
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Ca doit être cette eau qu’il m’a donnée à boire en me disant que c’était un préservatif et sans rien me dire d’autre.
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Oui Monsieur, tout ce que j’ai déclaré contre ce Barbier c’est la vérité et comme telle, je le maintiendrai face à lui.
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Tout ce que j’ai déposé contre le Barbier est vrai, je l’ai pas aggravé à tort et si, au début, je disais pas ce que j’ai dit après, c’est que cette eau que j’avais bue m’en empêchait comme je l’ai dit et que Votre Excellence me laisse un peu penser jusqu’à demain, je me souviendrai si j’ai autre chose à dire contre lui ou contre d’autres.

Gio. Giacomo Mora :
Je pourrais pas dire exactement depuis combien de temps je fabrique cet onguent contre le mal contagieux, mais ça fait un bout de temps; je le fais depuis qu’on a commencé à parler de la peste et je le fabrique avec de l’huile d’olive, de l’huile philosophale, de l’huile de laurier, de l’huile de roche, de la cire vierge, de la poudre de romarin, de la poudre de sauge, de la poudre de baies de genièvre et un peu de vinaigre fort et avec ça on s’enduit les poignets, les aisselles, la plante des pieds, le dessus de la main et les genoux.
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Non Monsieur, j’ai jamais utilisé de cette eau qu’on a trouvé dans la chaudière et j’ai déjà dit que c’était de l’eau de lessive et que je savais même pas qu’elle existait.
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En toute conscience, je ne sais rien de cette eau de lessive ni de l’eau avec ce dépôt dont parle Votre Excellence.
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Oui Monsieur, Milan a déjà été souillé avant vendredi, mais j’ai jamais entendu dire qui l’a fait.
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Non Monsieur.
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Je n’en sais rien.
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Non Monsieur, jamais, jamais de la vie : Moi faire une chose pareille.
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Que dieu me garde, ça en face? Je dirai que c’est un infâme et qu’il peut pas dire ça, parce qu’il a jamais parlé d’une telle chose avec moi, que Dieu me garde.

Piazza est introduit face à Mora:
Cet homme est Gio. Giacomo Mora qui est Barbier au bout de la rue de la Vedra de Cittadini.
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…/…

Oui Monsieur, c’est vrai.

Gio. Giacomo Mora :
Oh miséricorde de Dieu, jamais on ne prouvera ça.

Guglielmo Piazza :
Voilà où j’en suis pour vous avoir prêté assistance.

Gio. Giacomo Mora :
Jamais on ne prouvera ça, vous ne prouverez jamais que vous êtes venu chez moi.

Guglielmo Piazza :
Si j’avais pu ne jamais aller chez vous comme j’y suis allé, mais voilà où j’en suis à cause de vous.

Gio. Giacomo Mora :
Jamais on ne prouvera que vous êtes venu chez moi.

LE 30 DU MÊME MOIS

Gio. Giacomo Mora :
C’est bien vrai que le Commissaire Piazza passe souvent devant ma boutique mais il fréquente pas ma maison et on se fréquente pas.
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Ce Guglielmo a jamais fréquenté ma maison et il est jamais venu dans ma boutique, sauf pour un lavement: c’est vrai par contre que Piazza fréquentait la boutique de mon voisin Fusaro et là, ils restaient à bavarder entre eux.
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L’Auditeur me l’avait donné et je l’avais comme ça dans la main; je l’ai déchiré parce que j’en avais plus besoin.
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Je croyais qu’il me l’avait donné comme un papier sans importance.
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J’ai déjà dit pourquoi j’ai déchiré ce papier et c’est pas vrai que le Commissaire fréquentait ma maison.
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J’ai vu le Commissaire passer devant ma boutique plusieurs fois, mais je le connais pas plus.
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Voyez ce que vous voulez que je dise et je le dirai, je dirai tout, parce que la vérité je l’ai dite .

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La vérité c’est que le Commissaire n’a eu aucun commerce avec moi.
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Que Votre Excellence voit ce qu’elle veut que je dise, je le dirai.

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J’ai donné au Commissaire un petit pot plein de saletés pour qu’il enduise les murs, c’était des excréments .

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C’était des excréments humains, de l’eau de lessive et de cette matière qui sort de la bouche des morts qui sont sur les charrettes et cette matière qui sort de la bouche des morts, c’est le Commissaire Piazza qui me l’a donné, il m’en a donné un petit pot que j’ai mis ensuite dans la chaudière chez moi, le pot contenait à peu près une livre de cette matière et il me l’a donnée il y a à peu près dix jours; et avant que je lui donne le pot, on avait traité de cette affaire dans la rue de la Porte Ticinese, lui et moi seuls et il m’a dit que je lui prépare ce mélange parce que ça le ferait beaucoup travailler à cause des gens qui tomberaient malade et moi j’y gagnerais beaucoup en vendant mon électuaire.
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Moi, de cette affaire, j’en ai traité avec personne d’autre, j’ai rien donné à qui que ce soit d’autre et je sais pas si Piazza a enduit ailleurs que dans la Vedra de Cittadini et pour se préserver de la peste, il avait de l’onguent du pendu qu’on se passe sur les poignets.
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Lui m’avait dit comme ça, je voudrais qu’on fasse quelque chose pour travailler tous les deux, alors je lui ai demandé de cette matière et il me l’a portée : maintenant comment il faisait pour l’avoir, c’est lui qui le sait.
…/…

Elle était chez moi dans le fourneau, je la fabriquais la nuit, pour que personne sache rien et je la composais de tête et les excréments, je les mettais pour couvrir cette matière pestilentielle.
…/…

J’ai pris les excréments et je les ai mis dans la chaudière, je les ai délayés avec cette eau de lessive qui était là-dedans et après j’en ai pris un peu, je l’ai mis dans une cuvette et je l’ai mélangé avec le pot que le Commissaire m’avait donné et quand tout a été bien mélangé, j’ai rempli le pot et j’ai jeté le reste dans la rue.
…/…

Je lui en ai donné plusieurs fois, mais combien exactement je m’en souviens pas.
…/…

Je lui en ai donné cinq ou six fois et j’ai commencé après qu’il soit Commissaire; les pots contenaient huit ou dix onces chacun, il y en a qui étaient en terre et d’autres, en verre et celui qu’il m’avait donné lui, il était en terre.
…/…

De cette matière qui sort de la bouche des morts, il m’en a donné qu’une seule fois, après qu’il soit devenu Commissaire mais je me souviens pas exactement quand.
…/…

J’ai pas vu de quelle couleur était la matière que le Commissaire m’a portée, parce qu’il faisait noir quand j’ai fabriqué ce mélange et j’ai travaillé de nuit pendant que les autres dormaient.
…/…

Tout ce que j’ai dit est vrai et je n’ai accusé personne à tort.

1er JOUR DU MOIS DE JUILLET

Gio Giacomo Mora :
Cet onguent dont j’ai parlé, j’en ai jamais fait et ce que j’ai dit je l’ai dit à cause des tourments
.…/…
Pourquoi Votre Excellence m’a fait mettre ces vêtements, on dirait qu’elle veut encore me faire tourmenter.
…/…

Ce que j’ai dit hier, c’est pas vrai, je l’ai dit à cause des tourments.
…/…

Ce que j’ai dit, je l’ai dit à cause des tourments.
…/…
Que Votre Excellence me laisse un peu le temps de dire un Ave Maria et je ferai ce que Dieu m’inspirera.
…/…

Que Votre Excellence ne me fasse plus tourmenter parce que la vérité je l’ai dite et je veux la maintenir.

…/…

Il n’y a rien de vrai.
…/…

Ce que j’ai confessé hier après la torture, c’est vrai et, sans que Votre Excellence me le fasse lire, je le confirme.

…/…
Tout est vrai et j’ai rien à y ajouter ou à y retrancher.
…/…

Pour ce qui me concerne, je n’ai pas eu d’autre intention que de m’enrichir.
…/…

Pour faire cet onguent, il faut mélanger trois choses en même quantité qui sont : de cette matière que me donnait le Commissaire, des excréments humains et le fond de cette eau de lessive et on mélange bien le tout; on y met pas d’autre ingrédient et on fait pas bouillir.
…/…

J’ai pas donné d’autre préservatif au Commissaire qu’un petit pot contenant un mélange d’huile d’olive commune, d’huile de laurier, d’huile de pierre, de cire jeune, de poudre de Romarin et de sauge, de baies de genièvre et de vinaigre; on l’utilise pour s’enduire les poignets et moi qui ai soigné beaucoup de pestiférés et qui leur ai fait des saignées, j’ai jamais attrapé la peste grâce à mon électuaire.
…/…

Autant que je me souvienne, je lui ai rien donné d’autre que ce préservatif et l’onguent pour enduire les murs.
…/…

J’avais pas l’intention de tuer les gens avec cet onguent, mais en enduisant les murs, je voulais seulement les troubler et les rendre malades.

Gugliemo Piazza:
Non Monsieur.
…/…
Je lui ai rien donné.
…/…

J’ai reçu une seule fois de cette composition du Barbier.
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j’ai reçu deux fois d’un mauvais onguent…et trois fois du bon.
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Avec ces onguents, j’ai enduit la Vedra de Cittadini, la rue de S. Simone et le Pasquaro de Resti, sur les indications du Barbier et je me rappelle avoir encore enduit la porte cochère du Monastère de S. Marta ainsi que quelques bouts de bois pour le feu, en profitant du moment où on les livrait au Monastère; et tout ça s’est passé la même semaine que celle où j’ai enduit les maisons de la Vedra de Cittadini et personne, à part le Barbier et moi, était au courant de ça.
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Des saletés qui sortent de la bouche des pestiférés morts, j’en ai jamais eu, ni porté au Barbier et pour le reste, je l’ai pas dit parce que je m’en souvenais pas.
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C’est vrai que le Barbier m’a demandé de lui porter de cette matière et je lui en ai porté pour faire cet onguent.
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Cette salive, je l’ai eu par un Monato dont je connais pas le nom et il me l’a donnée parce que je lui avais promis de l’argent, à savoir deux écus mais je l’ai pas payé et il m’en a donné qu’une seule fois, comme ça, dans une petite assiette en terre, c’était la nuit-là, aux colonnes de S. Lorenzo et personne nous a vu et ça s’est passé à peu près huit jours avant que je commence à enduire les murs.
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J’ai fait ça parce que le Barbier m’incitait et me poussait à le faire, il m’avait promis de me donner une grosse somme d’argent, sans me préciser combien et en me disant qu’il y avait une personne importante qui avait promis beaucoup d’argent pour ce travail, mais il a pas voulu me dire qui c’était, bien que je lui ai demandé; il m’a seulement dit que je devais m’occuper d’enduire les murs, qu’il me donnerait beaucoup d’argent et tout ça se passait à la porte de sa boutique vers l’heure de l’Ave Maria, une dizaine ou une douzaine de jours avant que je commence à enduire les murs comme je l’ai dit.

Gio. Giacomo Mora :
Je ne suis pas au courant que quelqu’un ait incité et poussé Guglielmo Piazza à lui donner cette salive qui sort de la bouche des pestiférés morts, ni qu’on lui ait promis une grosse somme d’argent.
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Non Monsieur, où est-ce-que Votre Excellence veut que je trouve une grosse somme d’argent ?
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La vérité je l’ai dite et encore plus.

Guglielmo Piazza :
Je vais le dire à Votre Excellence. Le Barbier Gio. Giacomo Mora m’a poussé à lui donner de cette pourriture qui sort de la bouche des cadavres infectés; je lui ai demandé ce qu’il voulait en faire et il m’a répondu qu’il voulait fabriquer un onguent pour enduire les serrures et les portes de la ville et faire mourir les gens et, comme je suis passé devant chez lui trois ou quatre jours de suite, il m’a persuadé par ses prières et ses promesses et j’ai été incité par le diable aussi, si bien que je me suis décidé à lui donner, comme je l’ai fait, une assiette de pierre avec environ dix ou douze onces de salive ou de pourriture comme j’ai dit, qui sort de la bouche des cadavres infectés.
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Le Barbier m’a dit que cet homme qui devait donner l’argent était un grand Seigneur et après quatre ou cinq jours, il m’a dit que ce grand Seigneur était un homme de Padiglia.
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Je sais pas pourquoi ce grand Seigneur a fait répandre un onguent si ce n’est, comme le Barbier me l’a dit, pour faire mourir les gens.
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Je crois que puisqu’il m’a donné cet onguent, le Barbier en a probablement donné à d’autres parce que moi j’ai pas passé d’onguent ailleurs que dans la rue dont j’ai parlé et comme on a trouvé toute la ville souillée, il faut que beaucoup d’autres personnes en aient passé, comme par exemple ceux qui fréquentaient la maison du Barbier.
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Oui Monsieur, tout ce que j’ai dit précédemment, je le maintiendrai devant le Barbier et devant qui il faudra, parce que c’est la pure et simple vérité : Je dirai même plus, parce que je sais que ce Barbier a distribué son onguent préservatif à plusieurs endroits et spécialement à Giussano, officier de réserve et ses voisins et après avoir arrêté de s’en mettre, ils sont tous morts; il y en avait quinze avant que j’aille en prison et après, j’ai entendu dire que presque tous ceux qui habitaient la maison sont morts et ils étaient soixante.

1630 . LE 08 JUILLET

Gulielmo Piazza :
Moi, Guglielmo Piazza, j’affirme et je déclare que tout ce qui est contenu dans ces deux feuillets est vrai, écrit sous ma dictée par Monsieur Gaspare Alfiere, Auditeur de la Santé et sur ma foi, j’ai signé de ma propre main et sous serment.

Gio. Giacomo Mora :
On trouvera jamais une infâmie pareille dans toute l’éternité.
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Si je le savais, en conscience, je le dirais, mais même lui il pourra jamais dire que c’est vrai.

Piazza est introduit face a Mora :
Oui Monsieur, c’est vrai.
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Je le dit parce que c’est la vérité, c’est à cause de vous que j’en suis là et vous savez bien que vous m’avez dit tout ça à l’entrée de votre boutique.

Gio Giacomo Mora :
Patience, il faut mourir à cause de vous.
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Gio Giacomo Mora :
Monsieur, la vérité je l’ai dite.
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De tout ça, en toute conscience, je ne sais rien.
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La vérité je l’ai dite.
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Oui Monsieur, tout ce qui m’a été soutenu en face par le Commissaire est vrai et je confirme tout ce qu’il a dit, laissez-moi descendre.

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Tout ce que le Commissaire m’a dit en face est la vérité.

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J’ai dit au Commissaire que s’il voulait répandre de ces onguents, il recevrait autant d’argent qu’il voulait du fils du Châtelain et le Commissaire en a reçu de je ne sais qui.
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Non Monsieur, ni le fils du Châtelain, ni ce Don Pietro m’ont dit pourquoi ils faisaient ça et ce qu’ils pouvaient gagner à faire mourir tant de gens.
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Tous ce que j’ai dit est vrai et je n’ai accusé personne injustement, parce que tout ce que j’ai dit est la vérité, je n’ai accusé personne injustement et pour l’amour de Dieu que Votre Excellence me fasse plus tourmenter.

Gio. Giacomo Mora :
Avant de traiter avec moi, le Commissaire possédait des ducas et deux doublons d’Espagne et disait qu’il voulait aller à cheval et qu’il voulait acheter une maison à la Porte Renza, pour plus partager la maison avec sa femme.

LE 27 DU MOIS DE JUILLET

Ottaviano Perlasca, Président du Sénat :
Le Sénateur Monti, Président du Tribunal de la Santé, ayant rapporté au Sénat le procès instruit contre Guglielmo Piazza et Gio. Giacomo Mora qui ont répandu l’onguent pestifère dans la ville, le Sénat arrêta, après avoir entendu le Président et recueilli le vote de tous les Sénateurs que les susdits Mora et Piazza soient mis à mort, après avoir été tourmentés avec la corde au gré du Président à cause des développements et des complices de cette affaire et qu’ils soient conduits sur un chariot, jusqu’au lieu habituel du supplice et, pendant le trajet, qu’ils soient tenaillés à l’aide d’un fer porté au rouge devant les lieux où ils ont commis leur crime et qu’à tous deux, on coupe la main droite devant la boutique du Barbier Mora, qu’on leur brise les os selon la coutume, qu’on les expose sur la roue, qu’on les élève et qu’après six heures, ils soient étranglés, qu’on brûle aussitôt leurs cadavres et qu’on jette les cendres dans le fleuve, qu’on détruise la maison de Mora et qu’à sa place on élève une colonne qu’on appellera infâme, sur laquelle on inscrira cette histoire et que personne à tout jamais n’ait le droit de la rebâtir. Que les créanciers soient payés avec les biens des condamnés s’ils en ont, sinon avec l’argent publique, que les biens de Mora et Piazza soient confisqués. De plus qu’on respecte cette ordonnance pour les mener au lieu du supplice. Que deux trompettes les précèdent pour annoncer à la population la cause de la condamnation et du supplice. Qu’il y ait une escorte suffisante afin d’éviter toute émeute populaire, que l’on ferme les maisons de tous suspects et que l’on proclame que chacun reste chez soi et se protège. Que l’on entoure l’endroit où l’on rendra justice par des palissades de bois qui seront gardées par des hommes afin qu’elles ne puissent pas être infectées par cet onguent pestifère et que l’on construise un abri couvert afin que les frères puissent assister les condamnés plus aisément ; et que de tout cela enfin, on prévienne le Vicaire de Justice.

Les semeurs de peste

The Sowers of Plague